Interview d’Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste, par l’équipe de la FES Paris
Q : Olivier Faure, vous avez été réélu premier secrétaire avec une très courte avance lors des primaires internes du parti le 5 juin. Le parti reste ainsi divisé en deux camps de force égale. Votre adversaire et challenger, Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, n’est qu’à 1 % derrière vous. De quoi votre parti a-t-il besoin pour surmonter cette division ? Après tout, le PS veut reconquérir le pouvoir en France en 2027.
Faure : Si l’on prend en compte le vote des départements et territoires d’outre-mer, l’écart est en réalité plus significatif que ce qu’on laisse entendre. Mais surtout, il faut rappeler que, depuis le congrès de Marseille – où s’étaient exprimées des tensions – toutes les propositions portées par la direction ont été adoptées à une très large majorité. Ce que certains qualifient de division n’est en réalité que le reflet du fonctionnement démocratique propre aux congrès, où les enjeux de pouvoir amplifient artificiellement les clivages. La question des relations avec La France insoumise, régulièrement instrumentalisée, en est l’illustration. Personne au Parti socialiste ne conçoit une subordination à Jean-Luc Mélenchon.
Q : Pendant un peu plus d’un an, le PS a été uni avec LFI et d’autres partis de gauche dans l’alliance Nupes, Nouvelle Union Populaire Ecologiste, avant la rupture. Puis, à l’été 2024, à nouveau avec le Nouveau Front Populaire, NFP, pour faire front commun contre l’extrême droite. Ensemble, ils ont renversé le gouvernement de Michel Barnier en novembre 2024, puis la rupture s’est à nouveau produite avec LFI. Tout cela n’a visiblement pas convaincu une moitié de votre parti.
Faure : Le Parti socialiste est bien plus avancé que ne le laissent entendre certains discours. Les divergences internes apparaissent parfois plus fortes qu’elles ne le sont réellement en raison de la médiatisation des congrès. Sur le terrain, mes propositions ont reçu un soutien très large depuis les deux dernières années. Les dynamiques locales reposent souvent sur des engagements personnels envers des figures du parti, ce qui donne une impression de fragmentation que les faits ne confirment pas.
Q : Mais les deux camps, comme l’a clairement montré le congrès du parti à la mi-juin, ont des idées assez différentes sur la manière dont le parti doit se positionner. La campagne électorale interne au parti pour le poste de Premier secrétaire a également été assez violente. Le débat se résume-t-il vraiment à la question du rapport à LFI ?
Faure : Il y a, d’une part, ceux qui idéalisent notre poids politique actuel, et d’autre part, ceux qui prennent la mesure de la réalité. Certains s’imaginent que le Parti socialiste demeure la force hégémonique à gauche. Ce n’est plus le cas depuis notre échec en 2017. Peut-être le redeviendrons-nous, mais ce n’est pas encore l’heure. Nous avons manqué de disparaître. Je vois aujourd’hui quelques rayons de soleil apparaître, mais il faut demeurer lucide : ces signaux sont encourageants, mais nous ne sommes pas encore au printemps politique que certains prétendent voir.
Q : Toutes ces querelles ne sont donc pas, selon vous, de nature idéologique, mais se déroulent dans la perspective de 2027, la prochaine bataille pour la présidence ?
Faure : Si la gauche se présente une nouvelle fois désunie à l’élection présidentielle, avec plusieurs candidatures concurrentes, elle sera écartée dès le premier tour, pour la troisième fois consécutive. Ce serait une erreur historique que nous ne pouvons plus nous permettre.
Q : Vu de l’extérieur, le PS s’est aussi positionné nettement plus à gauche ces dernières années et, ce faisant, s’est tourné vers sa gauche pour attirer les électeurs lors des campagnes électorales. Cela a fonctionné au niveau des résultats électoraux. Mais Mélenchon n’est absolument pas prêt à céder le rôle de leader de la gauche. En outre, il défend des positions en partie inacceptables qui conduisent régulièrement à l’échec de l’alliance des partis de gauche. Dès lors, pourquoi toujours regarder vers la gauche de votre parti ?
Faure : Parce que c’est précisément cette stratégie d’alliance qui a permis la survie du Parti socialiste. Lors de la présidentielle, notre candidate, Anne Hidalgo, en adoptant une posture de rupture avec la gauche radicale, a recueilli 1,7 %. Jean-Luc Mélenchon, en assumant une ligne de gauche radicale, a lui réuni 22 % des suffrages. Le constat est clair : nous n’avons rien à gagner à nous déchirer dans une lutte de gauche contre gauche. Notre chemin passe par le rassemblement des sensibilités de gauche et écologistes, pour constituer une véritable alternative à la droite et l’extrême droite.
Q : Est-ce à dire que votre alliance à gauche est essentiellement stratégique, en ce sens qu’elle serait la seule voie qui vous permettrait, comme une sorte de tremplin, de faire valoir votre propre ligne politique ?
Faure : Nos prises de position, nos textes programmatiques et nos votes démontrent clairement notre autonomie intellectuelle et politique face à Jean-Luc Mélenchon. Mais sans alliance avec les autres composantes de la gauche – LFI, les écologistes, les communistes – nous aurions disparu du paysage institutionnel : plus de groupe parlementaire, plus de moyens financiers, plus de visibilité médiatique. Cette union était un impératif vital. Et même les plus critiques ont souhaité en faire partie. Nicolas Mayer-Rossignol, par exemple, a veillé avec insistance à l’intégration de ses soutiens dans la négociation des accords du NFP.
Q : Alors pourquoi avez-vous du mal à vous laisser définir comme sociaux-démocrates ?
Faure : Le Parti socialiste est fidèle à ses engagements mais ne s’est jamais enfermé dans un catéchisme idéologique immuable. Nous ne faisons pas de Bad Godesberg permanents. La social-démocratie s’est épanouie dans un moment historique particulier, marqué par une croissance continue, un État-providence en expansion, et un équilibre mondial défini par le front soviétique à l’Est, alors que peu de personnes pensaient à la planète. Ce cadre a volé en éclats. Si la social-démocratie devient une variante du libéralisme, elle perd son sens et sa pertinence. Nous devons proposer une alternative au libéralisme économique. Ce que je propose, c’est un socialisme écologique, qui relie étroitement la justice sociale à la transition écologique. C’est à travers cette alliance que nous pourrons interroger les frontières du capitalisme et proposer, par la question écologique, une voie réellement émancipatrice.
Q : Puisqu’il s’agit d’être pragmatique, serait-ce pour vous une option envisageable de vous associer à l’avenir aux forces centristes françaises, c’est-à-dire à l’alliance gouvernementale actuelle, afin de vous adresser aux électeurs du centre ? le SPD le fait bien avec la CDU.
Faure : La question n’est pas de savoir si nous pouvons parler au centre, mais si le centre est prêt à rompre avec les logiques d’austérité et à financer réellement notre modèle social. Encore faut-il parler de centristes. Aujourd’hui, même ceux qui se revendiquent du centre tiennent des propos empruntés à l’extrême droite, comme le Premier ministre François Bayrou évoquant une “submersion migratoire”. Et les politiques de son gouvernement, notamment celles portées par Bruno Retailleau, sont profondément réactionnaires. Ce gouvernement prévoit 40 milliards d’euros d’économies sur les plus fragiles : les malades, les chômeurs, les retraités. Ce n’est pas ma conception de la République.
Q : Voyez-vous des chances de récupérer les sociaux-démocrates qui avaient rejoint Emmanuel Macron ?
Faure : Est-il possible de se parler ? Oui. Sur certains points précis, nous votons avec le gouvernement à la condition que l’accord se fasse sur la base de compromis réciproques. J’y suis prêt. Mais je refuse tout amalgame idéologique. Le macronisme a prétendu abolir les frontières entre droite et gauche. Le résultat, c’est le renforcement simultané de l’extrême droite et de la gauche radicale. Le “ni droite ni gauche” a débouché sur une confusion généralisée. Ce n’est pas le chemin qui permettra de battre l’extrême droite. Nous devons au contraire réaffirmer l’opposition entre la gauche et la droite.
Q : Comment comptez-vous briser la vague de succès du Rassemblement national ?
Faure : Il est urgent de mener la bataille sur le terrain culturel. Trop longtemps, la gauche a renoncé à porter un récit national rassembleur. Nous devons discuter ouvertement de notre identité nationale, mais à partir de nos propres valeurs. Nous devons défendre une narration inclusive, fondée sur notre histoire commune : la Révolution française, la Résistance, la décolonisation, la construction européenne. Un récit qui reconnaît la dimension multiculturelle et multiconfessionnelle de notre pays et rassemble autour des valeurs républicaines. En parallèle, nous devons réinvestir la question sociale. Ce n’est pas par hasard si le RN a repris beaucoup du discours social de la gauche. L’extrême droite prospère sur le sentiment d’abandon. C’est parce qu’une partie des classes populaires s’est sentie trahie que le RN a pu détourner le discours de la gauche à son profit.
Q : Pour réparer les déséquilibres sociaux issus de la politique néolibérale d’Emmanuel Macron et assumer votre propre offre politique, des ressources financières sont cependant indispensables. Avec une dette publique élevée et des marges budgétaires réduites, comment rendre le PS crédible de ce point de vue?
Faure : Cette dette n’est pas tombée du ciel. Elle est en grande partie le fruit de politiques fiscales favorables aux plus riches. Ce sont 62 milliards d’euros annuels de manque à gagner pour l’État, alors même que la fortune des milliardaires français a doublé en huit ans, de 600 à 1200 milliards d’euros ! Et le gouvernement veut encore retirer 40 milliards aux plus modestes ? C’est cette injustice qui pousse les électeurs dans les bras du RN. C’est cette colère qui les pousse à dire que la droite et la gauche disent la même chose. Si nous ne voulons pas que l’extrême droite s’impose comme seule alternative au libéralisme, nous devons proposer une véritable rupture progressiste.
Q : En Allemagne, le SPD cherche la solution, dans la société, dans une forme de stabilité qu’il trouve au centre de l’échiquier politique…
Faure : Je crois qu’il faut rester vigilant vis-à-vis de la droite. Aujourd’hui, certaines grandes coalitions fonctionnent encore. Mais demain, une partie de la droite pourrait céder à la tentation d’un rapprochement avec l’extrême droite. C’est l’un des enseignements de l’Histoire. La tentation est d’autant plus grande que l’extrême droite sait se rendre fréquentable. Les grands industriels lui trouvent aussi des vertus. Il faut cesser de présenter son ascension comme inévitable. La résignation est sa meilleure alliée. Mon rôle, c’est de rappeler qu’une alternative est possible – et elle est à gauche.
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